Soutenance de thèse de Clément CIMOLAI

Le « vide » est régulièrement rencontré dans la clinique avec le sujet en addiction. L’exemple le plus transparent est le « sentiment de vide », couramment mis en avant, comme produit ou expression d’une souffrance associée à l’utilisation d’un « objet de complétude ». Cependant, cette approche expérientielle, valide d’un point de vue descriptif, limite l’exploration métapsychologique de la notion de vide dans la situation psychanalytique. Par ailleurs, la pratique clinique dans le champ des addictions met en présence de sujets affectés de difficultés d’élaboration narrative, marqués par un « trop » ou un écrasement du sens, les empêchant de « faire histoire » (Clavreul, 1959). Les caractéristiques de leurs discours témoigneraient ainsi d’un rapport singulier au langage et à la narration. Des modèles psychopathologiques référés à la psychanalyse ont été proposés afin de saisir les logiques dans lesquelles s’inscrivent les sujets en addictions. Cependant, aucun n’apparaît à même de conceptualiser le vide au-delà de son approche phénoménologique comme « sentiment de vide ». Ce travail de recherche mobilise une conception du vide dans la théorie lacanienne, notion centrale à la conception du désir en psychanalyse, ainsi que du néant, envisagé comme son remplissage par le « retrait de l’absence » (Fédida, 1978a). Cette perspective est articulée à la théorie de « l’économie parallèle » (Pedinielli et al., 1997), dont nous proposons une extension. À partir de trois études de cas, cette thèse praxéologique, fondée sur une clinique du transfert, propose deux objectifs. Premièrement, décrire la production de ce que nous proposons de nommer un narcorécit, avec ses effets sur la langue, le rapport à l’Autre, et la jouissance. Deuxièmement, de reconsidérer la place centrale du vide, et de son renversement en néant, dans le circuit de l’Addiction.

The "void" is regularly encountered in clinical practice with subjects suffering from addiction. The most transparent example is the "feeling of emptiness," commonly highlighted as a product or expression of suffering associated with the use of an "object of completeness." However, this experiential approach, while valid from a descriptive standpoint, limits the metapsychological exploration of the notion of void within the psychoanalytic situation. Furthermore, clinical practice in the field of addictions brings to light subjects affected by difficulties in narrative elaboration, marked by an excess or crushing of meaning, preventing them from "making a story" (Clavreul, 1959). The characteristics of their discourse thus reflect a unique relationship to language and narration. Psychopathological models referenced in psychoanalysis have been proposed to understand the logics in which subjects with addictions are situated. However, none appear capable of conceptualizing the void beyond its phenomenological approach as a "feeling of emptiness." This research work employs a conception of the void in Lacanian theory, a central notion to the conception of desire in psychoanalysis, as well as the notion of nothingness, considered as its filling by the "withdrawal of absence" (Fédida, 1978a). This perspective is articulated with the theory of "parallel economy" (Pedinielli et al., 1997), to which we propose an extension. Based on three case studies, this praxeological thesis, founded on a clinical approach of transference, proposes two objectives. Firstly, to describe the production of what we propose to call a narconarrative, with its effects on language, the relationship to the Other, and jouissance. Secondly, to reconsider the central place of the void, and its reversal into nothingness, in the circuit of Addiction.